En Dordogne

Tribune : la situation des urgences en Dordogne est intenable

Serge Mérillou, Sénateur de la Dordogne

Le 25 décembre 2022

J’ai co-signé avec Marie-Claude Varaillas, sénatrice, Pascale Martin, députée et Sébastien Peytavie, député, une tribune pour dénoncer la situation des services d’urgences en Dordogne.   

« Fonctionnement en mode dégradé », « régulation de l’accès aux urgences », « modalités d’accueil adaptées », les glissements sémantiques et autres expressions oxymoriques ne manquent pas pour masquer la destruction du service public de santé. En pleine saison estivale, alors que la Dordogne accueillait près de 2 millions de touristes, le « fonctionnement en mode dégradé » des urgences était régulièrement activé dans les centres hospitaliers du Département.
Début novembre, nous avons vécu une première historique dont on se serait pourtant bien passé. Les trois hôpitaux de Dordogne – Bergerac, Périgueux et Sarlat – ont été contraints de fermer leurs services d’urgences, faute de personnel soignant pour garantir la prise en soin des patient•es.
Lors des vacances scolaires de Noël, la même situation s’est reproduite, d’abord pendant 48h sur tout le Département. Elle s’est même prolongée jusqu’à la fin de l’année à Périgueux et à Sarlat, dans un contexte d’épidémies de grippe et de bronchiolite et de nouvelle montée du Covid. En clair, un seul mot d’ordre pour les fêtes : restez chez vous et que rien de grave ne vous arrive!
Le centre des appels d’urgences de la Dordogne, déjà très sollicité en temps normal, doit régulièrement faire face à cette « régulation » avec plus de 500 appels par jour. Le personnel du SAMU de Périgueux redoute la période entre Noël et le jour de l’An où les cabinets
médicaux seront fermés en nombre. Le personnel des hôpitaux est à bout et l’ampleur de la situation dépasse le SAMU qui n’arrive plus à faire face.
À Sarlat, la situation est critique alors que le service d’urgence cumule maintenant plus de 50 jours de fermeture depuis juin. A l’échelle du département ce sont plus de 60 séquences dégradées de 12 à 48h qui sont intervenues. Cet abandon dramatique des hôpitaux par l’État, en particulier dans les zones rurales, prive des milliers de Françaises et Français de ce service public essentiel qu’est la santé.
Les fermetures, même temporaires, sont un drame pour les patient es, en particulier dans les départements ruraux comme la Dordogne où la médecine de ville et la médecine spécialisée ont déserté, affaiblissant considérablement l’offre de soins.J’ai également évoqué les différentes propositions contenues dans notre rapport afin de rendre notre agriculture plus compétitive. Cette compétitivité ne s’acquerra qu’au prix d’une reconquête du marché cœur de gamme, de politiques fiscales avantageuses, de normes exigeantes mais moins contraignantes. Il y a urgence à revenir dans la course afin de garantir notre souveraineté alimentaire, rémunérer les agriculteurs plus justement et nourrir les Français avec de la nourriture issue de nos cultures. 
Cette situation de crise inédite vient accentuer les inégalités territoriales d’accès aux soins, alors qu’il manquerait déjà 194 médecins en Dordogne et pas moins de 6000 médecins
généralistes dans les milieux ruraux?. Elle contraste avec les déclarations de l’ex-ministre chargée des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, qui, en déplacement en Dordogne en septembre dernier, affirmait droit dans les yeux à l’Association des Maires Ruraux de France sa « volonté qu’il n’y ait aucun territoire oublié de la République ». Pourtant, durant plusieurs jours, l’intégralité des 400 000 habitantes de la Dordogne se sont retrouvé•es sans aucun service d’urgence ouvert. Nous n’acceptons pas ce mépris!
Ce n’est pas seulement un manquement aux engagements du Gouvernement de redresser l’hôpital public, c’est une atteinte gravissime au droit fondamental à la santé, garanti par
l’article L1411-1 du code de la santé publique?. Le Gouvernement est dans l’obligation de mener une politique de santé qui garantisse la continuité du service public hospitalier et l’accès à la santé pour toutes et tous dans la dignité. De quelle dignité parle-t-on lorsque des patient es restent plusieurs jours sur un brancard, faute de lits disponibles?
L’examen récent du budget de l’État et de la Sécurité sociale pour 2023 aurait pu être l’occasion de mettre en place un véritable plan d’urgence pour l’hôpital public. Mais c’est un énième rendez-vous manqué pour le Gouvernement, qui a préféré balayer d’un revers
de main les propositions portées par la NUPES, démocratiquement élue, avec l’usage de l’article 49.3 de la Constitution pour faire approuver de force son budget low-cost.
Présenté comme « ambitieux », le budget de l’État pour 2023 est, en effet, le 2ème budget le plus austéritaire pour les services publics de ces 20 dernières années®. Rien que pour les établissements de santé, l’absence de compensation de l’inflation va engendrer une baisse
de budget allant jusqu’à 1 milliard d’euros pour 2023. D’une main, des miettes pour l’hôpital, de l’autre, le bâton du 49.3 pour faire passer la pilule.
Jusqu’où ira le président de la République dans son entreprise de démantèlement systématique et organisé de notre système de santé ? Ce culte de la privatisation sacrifie le droit fondamental de l’accès aux soins sur l’autel de la rentabilité. Pourtant, depuis des années, les alertes de toute part se multiplient. Pénurie de personnel soignant, conditions de travail désastreuses, urgences au bord de l’explosion…. L’hôpital est à la dérive et c’est le résultat de 30 ans d’une destruction volontaire du service public de la santé, qu’Emmanuel Macron et ses gouvernements n’ont fait que renforcer.
La santé est un bien commun qui ne peut être soumis aux diktats des lois du marché. Nous devons enfin partir des besoins de la population et mettre en place un plan d’investissement structurel pour sauver notre système de santé. Et cela ne peut se faire sans le recrutement
massif de personnel soignant et sans la revalorisation des salaires de celles et ceux qui, chaque jour, prennent soin de nous et ont maintenu notre société en vie pendant la pandémie.
Malgré cet ultime passage en force autoritaire, nous réaffirmons donc que chaque fois que le Gouvernement s’enfoncera un peu plus dans le démantèlement de l’hôpital, il nous trouvera sur son chemin, à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans la rue, pour défendre les services publics et remettre le soin au cœur de nos préoccupations.
Ne perdons jamais cette richesse que nous avons bâtie collectivement : un service public de la santé, financé par la solidarité nationale, au service de tout le monde, quel que soit son lieu de vie, quels que soient ses moyens.