Au Sénat

Allongement de la durée de la période de formation en entreprise

Serge Mérillou, Sénateur de la Dordogne

Question soumise le 03 novembre 2022

M. Serge Mérillou attire l’attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels sur l’inquiétude du corps professoral des lycées professionnels quant aux annonces du Président de la République sur l’allongement de la durée de la période de formation en entreprise. Le 18 octobre 2022, un mouvement de grève important a secoué les lycées professionnels de notre pays. L’inquiétude des professeurs de lycée professionnel (PLP) résulte du discours du Président de la République aux Sables-d’Olonne. En annonçant l’augmentation des durées de période de formation en milieu professionnel (PFMP) de 50 % pour les élèves des lycées professionnels scolarisés en vue du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) comme en baccalauréat professionnel, le Président de la République a accru le malaise d’enseignants déjà fortement affectés par les réformes instaurées par les lois n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie puis n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Ces dernières ont largement rogné leurs horaires disciplinaires. L’augmentation de la durée des PFMP risque d’aggraver mécaniquement cette carence en heures de cours dans les disciplines d’enseignement général et professionnel. En faisant l’apologie de l’apprentissage face aux lycées professionnels dont les formations seraient, selon lui, moins performantes quant à l’insertion des jeunes et en plaçant désormais le ministère délégué en charge de la formation initiale des élèves en filière professionnelle sous statut scolaire, sous la double tutelle du ministère du travail et du ministère de l’éducation, le discours comme les arbitrages du Président de la République semblent aller dans le même sens : disqualifier l’éducation nationale au profit de l’entreprise pour assurer la formation de la partie la plus fragile, la plus socialement et culturellement défavorisée de notre jeunesse.
La gratification promise à ces élèves en PFMP semble également flouter la limite entre formation sous statut scolaire et apprentissage. Or une telle gratification ne saurait se substituer à une véritable aide financière accordée aux jeunes des milieux populaires et à leur famille pour mener à bien leurs études sans lien avec une quelconque présence en entreprise. Les PLP connaissent les limites des stages en entreprise : tâches répétitives peu qualifiantes, impossibilité pour des salariés, souvent débordés, de prendre en charge la formation des jeunes. De plus, ces jeunes entrent en CAP comme en bac pro à quatorze ou quinze ans. À cet âge, ils doivent être encadrés par les professionnels de l’éducation que sont les professeurs. De surcroît, les entreprises rechignent à accepter en stage des jeunes mineurs, si ce n’est pour profiter des effets d’aubaine créés par l’aide publique à la signature de contrats d’apprentissage dont le total inquiète la Cour des comptes. L’entreprise n’est pas et ne sera jamais l’école, elle ne le demande d’ailleurs pas. Si l’alternance est efficiente pour les formations post-bac, elle ne peut devenir le modèle exclusif pour un tiers des jeunes de 14 à 18 ans. Les PLP, engagés au service de leurs élèves, veulent certes leur donner un véritable savoir professionnel mais aussi une culture citoyenne et générale qui les élève et les émancipe. Face à cette situation anxiogène pour les enseignants d’une filière qui encadre et forme sans discrimination les jeunes les plus fragiles de notre pays, quand les chefs d’entreprises sélectionnent légitimement leurs apprentis, il souhaite une clarification sur l’annonce présidentielle d’allongement des PFMP et ses conséquences quant à la qualité de la formation des jeunes issus, le plus souvent, des milieux populaires. Il l’interroge par ailleurs sur une concertation éventuelle à propos d’une réforme présentée comme applicable dès la rentrée de septembre 2023.